Un très beau livre porte très souvent un très beau titre. C’est le cas du D’autres vies que la mienne d’Emmanuel Carrère. Trouve-t-on plus beau ? Mieux qu’un titre, c’est au fond ce que propose le meilleur de la littérature, des vies que nous n’aurons jamais mais qui, le temps de la lecture, deviennent les nôtres.
Les chasseurs et les coachs passent aussi leurs vies penchés sur d’autres vies : celles de leurs candidat(e)s et de leurs coaché(e)s. De ces vies, ils recueillent des récits profonds, sincères, justes. Quelles sont-elles ? A quoi aspirent-elles ? Quelles pourraient-elles être ? Ils parlent d’expériences, de compétences et de motivations mais pas seulement : de hasards aussi, de leurs marelles fantasques, de doutes et de désirs…
Souvent quelque chose se passe, qui n’est pas prévu parce qu’on ne pense jamais mieux que lorsqu’on doute, qu’on se déleste de soi, de son ego et de ses préjugés. Apparaissent alors d’autres vies que la sienne. Faut-il les rejoindre ? Y céder ? S’y soustraire ?
Dans la tradition stoïcienne, Emmanuel Carrère rappelle que :
L’accomplissement est fruit de la cohérence, de la fidélité à soi, de la patiente sculpture d’une personnalité aussi stable que possible. Comme on ne pourra jamais prendre tous les chemins de la vie, la sagesse est de suivre le sien, et plus il est étroit, moins il bifurque, plus on aura de chances de monter haut.
Pour autant, chasseurs et coachs doivent aussi aider leurs interlocuteurs à accoucher d’autres vies, à en prendre la mesure et, parfois, à s’y préparer. Bifurqueront-elles ensuite, un peu, beaucoup, à la folie ?…
Peu importe, les connaître, les nommer, jouer avec « what if », c’est déjà comprendre qu’une vie, c’est plus qu’une vie.