rester, c’est partir un peu
On ne sait pas vous mais nous l’été a été Neymar. Il nous a semblé épuisant, interminable, plus stressant qu’une série Netflix. Son titre : « La casa de la peur ». Chaque matin livrait son lot d’informations. On les lisait le cœur battant. On n’en tirait rien. Elles étaient approximatives, contradictoires, frelatées – surtout lorsqu’elles émanaient de « source sûre ». On ne savait plus quoi préférer : que Neymar reste, en dépit de son désir de partir, ou qu’il parte, en dépit de notre désir qu’il reste. Le 2 septembre la clôture du mercato a sifflé la fin de la partie. Le numéro 10 du PSG, star interplanétaire et footballeur de génie, restait. Contraint et forcé certes, mais il restait… au grand dam des Ultras (entendez les supporters les plus enragés du PSG) qui estimaient, ô sacrilège, que Neymar avait « trahi l’Institution ».
Le cas Neymar, par-delà sa singularité – le football, le Qatar, l’argent fou, les réseaux sociaux, la personnalité du joueur… -, pose de nombreuses et passionnantes questions aux DRH. L’une d’entre elles est de savoir si un collaborateur exprimant sa volonté de partir « trahit l’institution ».
Ronald Inglehart (qu’aime citer Daniel Cohen) est un sociologue américain qui a théorisé le passage de la société agraire à la société industrielle, puis celui de la société industrielle à la société post-industrielle. La première rupture, selon Inglehart, consacre le remplacement de Dieu par la Raison, des prêtres par les ingénieurs, de l’Eglise par l’Usine. De fait, la société reste aussi verticale et hiérarchisée qu’avant ; l’Institution a certes muté, de religieuse à laïque, mais elle conserve son ordonnancement et sa toute-puissance. C’est la sortie du monde industriel qui marque la vraie rupture, caractérisée par l’avènement de l’individualisme et l’épanouissement voulu par et accordé aux salariés ; l’affirmation de soi et l’autonomie sont devenues les éléments fondateurs de notre société où chacun « veut vivre sa vie »… et dispose de plus en plus des moyens de le faire.
Dans une société qui s’est horizontalisée, les salariés, et Neymar en est un, ont gagné leur liberté. Avant, tenus par l’Institution, ils étaient d’autant plus fiables qu’ils étaient faibles. Maintenant, ils sont d’autant plus libres qu’ils sont plus forts – chaque DRH le vit au quotidien. Neymar sera-t-il plus fort en prolongeant au PSG ? Réponse au printemps lors des phases finales de la Ligue des Champions…
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