C’est dans les années 40 qu’Abraham Maslow a eu l’idée de ranger les besoins humains sur les cinq degrés d’une pyramide qui allait très vite porter son nom.
Selon le psychologue américain, le premier besoin fondamental de l’homme est d’ordre physiologique. Si vous vivez à la lisière de l’existence physiologique, sans emploi ni domicile, la nourriture, l’eau, le sommeil seront primordiaux : le reste ne revêtira aucune importance.
Le deuxième besoin fondamental vient très vite après : il est d’ordre sécuritaire. Si vous vivez en temps de guerre ou dans le chaos d’une catastrophe naturelle, votre unique préoccupation sera de stabiliser votre environnement, de le rendre aussi prévisible, « safe » et rassurant que possible.
Ces deux besoins fondamentaux garantis, Maslow théorise alors l’émergence de besoins dits « supérieurs » : ils vont occuper les niveaux élevés de la pyramide. D’abord, le besoin d’appartenance (amour, affection des autres…). Ensuite le besoin d’estime (reconnaissance, appréciation des autres…). Enfin le besoin d’accomplissement de soi.
Lorsque nous chassons des candidats, nous privilégions naturellement dans nos discours les besoins supérieurs de Maslow : dans nos sociétés avancées, chacun s’est mis en quête du sens et de l’épanouissement qui figurent en haut de la pyramide. C’est pourtant ignorer que de nombreux candidats préfèrent en rester au niveau 2 : ils éprouvent du mal à quitter leur employeur, à se mettre en mouvement, à faire bouger leurs propres lignes. Y songent-ils seulement ? C’est à voir. Au bord du vide, quitter le mal connu pour le bien à connaître leur donne le vertige. Ils ressemblent à Bélikov ce personnage de Tchechov dans L’homme à l’étui.
Bélikov ne sort jamais de chez lui sans son pardessus, son parapluie, ses caoutchoucs – ses « étuis » le protègent du monde extérieur. Il est professeur de grec ancien « car les langues mortes ne bougent plus, elles sont ce qu’elles sont à jamais. ». Tout, dans le changement l’effraie car tout changement est perte. Mieux : la perte, c’est le changement. Il renonce de la sorte à sa propre liberté car il sait que la liberté, c’est aussi celle des autres, qu’il ne contrôlera pas.
Ces candidats, beaucoup plus nombreux qu’on ne le croit, dont le besoin fondamental est de rester les mêmes dans un environnement dont ils aimeraient qu’il reste le même, échapperont-ils toujours aux radars des chasseurs ?…