Avez-vous lu Love me tender de Constance Debré ? Si la réponse est non, précipitez-vous chez votre libraire. Toutefois si vous cherchez du love et du tender, évitez le déplacement : ce n’est pas le genre de la maison. Love me tender est un récit dru, intense, dérangeant. Beau aussi, beau à mourir parfois, un texte dingue. La plume de Constance Debré est branchée sur du 220 volts. Un feu sec tord les lignes. Une témérité à filer la frousse secoue les pages, celle qu’on éprouve à frôler les précipices puis à y plonger avec la narratrice qui se débarrasse de tout dans sa mise à nu, mari, profession (avocate), appartement, biens, jusqu’à ses fringues, jusqu’à ses livres pour n’être plus qu’elle, juste elle, son mètre presque 80, son souffle de nageuse, ses tatouages, son goût des femmes – et de l’écriture, sa grande affaire. (Seul son fils lui manque – love me tender, love me long – avec qui elle renoue si peu et si mal).
Pourquoi évoquer ici Constance Debré, petite-fille de Michel, nièce de Bernard et de Jean-Louis ? Car ses livres – celui-ci et son précédent, presqu’aussi réussi – nous parlent d’une femme, d’une cadre supérieure, d’une bourgeoise, d’une épouse qui plaque tout. Qui balance tout. Les faux-semblants. Les concessions. Les compromis. La famille. Les hochets – argent, pouvoir, succès, « carrière ». Elle saute dans le vide en dégoupillant des grenades : ses livres. Pourquoi ? Pour de nombreuses raisons bien sûr, mais celle-ci surtout : l’urgence d’écrire, d’exposer et de sauver dans un même mouvement sa peau, d’aller à l’essentiel.
Gide disait ne pas aimer les hommes mais ce qui les dévorait. Au lieu d’être dévorée Constance Debré a choisi de dévorer. Est-ce un conseil que des chasseurs doivent donner aux candidat-e-s qu’ils rencontrent ? Pourquoi pas ? De toutes les manières vivre est dangereux. Aller au bout d’une passion sans tricher peut sauver parfois et sauve souvent. Après tout, on se souviendra davantage de Constance Debré dans nos mémoires que dans les prétoires…